J’ai été bouleversé lorsque j’ai compris ceci: c’est simplement incroyable à quel point je ne suis à l’origine d’aucune des manifestations et des expressions de ce que je crois être « ma » Vie.
Non seulement je ne décide d’aucune de mes pensées, quoique j’en pense, mais je ne suis même pas à l’origine de ce qui les constitue.
Je n’ai aucune capacité volontaire propre à « moi-même » d’influer sur le crépitement et la continuité de ma Vie.
Je ne peux réellement rien prévoir des événements qui vont jalonner ma Journée.
Je suis incapable d’affirmer de quoi les lendemains seront faits.
Je n’ai bien sûr rien décidé quant à la date de ma naissance sur cette terre et je suis bien incapable de connaître celle de ma mort. Je ne suis même pas certain que ce que j’appelle ma mort soit une mort !
Que j’en sois conscient ou non, les décisions que je crois prendre sont, non seulement le résultat d’une multitude de circonstances et d’influences que je ne maîtrise pas, et dont souvent je n’ai pas conscience, mais de surcroît uniquement des « probabilités ».
Je n’ai même pas décidé de mes goûts et couleurs préférées…
En fin de comptes aucun de mes gestes ne m’appartient, aucun des instants de ma Vie ne m’appartient et s’il est vrai que je peux exprimer un désir et m’imposer la volonté de décider d’adopter un comportement plutôt qu’un autre, il me semble aujourd’hui plus prudent de ne pas oublier que le choix d’adopter un comportement plutôt qu’un autre, est une possibilité qui précède le choix que je ferai !
Enfin, tout ce que je crois « apprendre » m’est d’abord appris par l’existence préalable de ce que j’apprendrai et dans tous les cas le sera par la transmission d’un observateur qui m’aura précédé. On appelle ça un enseignant.
Et en effet il semble prudent de se rappeler que la théorie de la relativité à toujours précédé la découverte d’Albert EINSTEIN. Sinon il n’aurait rien eu à « découvrir »…
Il n’est pas le plus petit centième de millième d’un instant de ce que j’appelle « ma Vie » qui m’appartienne.
Si je me demande encore ce qu’est l’humilité peut être pourrais je commencer par adopter et porter pour toujours le costume d’un apprenti ?
Peut être ne nous reste t’il en vérité que le choix de nos intentions et de notre comportement ?
Peut être pouvons nous commencer par admettre que l’Amour est imprévisible et que nous sommes le fruit de cette immense imprévisibilité infiniment AMOUREUSE qu’est la Vie ?
Et peut être déciderons nous d’être Ses serviteurs ?….
Mais là encore qui décide ?
Car je peux être certain de ceci: la servitude aussi précède le serviteur.
Le fakir sincère en Amour le sait : La Servitude est une Voie royale de Dieu.
Enfin cette autre question: que pouvons nous sans l’Amour ? Que sommes nous sans l’Amour ?
Tout ce qui n’est pas regardé avec l’Amour est une supposition.
Tout ce qui n’est pas soupesé avec l’Amour est inéquitable.
Tout ce qui n’est pas donné par Amour est un acte égoïste.
Rien de ce qui peut être entrepris ou réalisé par les Hommes n’a la moindre valeur si ce n’est pas par Amour, pour l’Amour et avec l’Amour.
J’entends résonner pour toujours ce cri dans le Cœur en prière qui a dit: Oh ! Dieu ! Quel est cet Amour pour Toi qui s’élève dans ma prière si ce n’est le Tien !
Le Soufi sincère dans son engagement dans La Voie l’apprend tôt ou tard: L’Amour est l’ambassadeur de Dieu sur terre pour les hommes.
Et aussi surprenant que cela puisse paraître, par le Cœur éveillé de l’homme, du fakir, qui s’offre sans restriction en Serviteur de l’Amour Divin, l’Amour devient Son ambassadeur vers Dieu.
Dans la théologie musulmane l’homme est ambassadeur (khalife). Sur terre son dépôt est la Foi (al iman).
Mais qu’en serait-il sans l’Amour ?
Dieu voit les cœurs ! Rien d’autre… Rien d’autre si l’on considère que le cœur est le centre qui englobe les différents états de l’Être. Dieu voit ce qui « est » dans le Cœur de chaque créature humaine.
Mesure t’on vraiment la portée d’un tel lien entre Dieu et les hommes ? Il ne s’agit pas d’y croire ou de ne pas y croire. Il s’agit de s’éveiller au sens profond de cette révélation. Dieu voit les cœurs ! Cela parle de la qualité réelle de la relation qui nous unit à LUI. Cela dit que la Foi est une immense ouverture de la Conscience. Cela dit que Dieu voit les cœurs qui se rendent visibles à LUI.
Comment un Cœur ignorant de l’Amour Divin pourrait-il se rendre visible à Dieu s’il ne s’était ouvert à la Conscience de Son appartenance à Dieu et de l’omniprésence de Dieu dans chaque instant de sa vie ?
Lorsque j’ai lu la présentation de ces 12eme rencontres internationales du Soufisme, j’ai été à la fois touché et surpris par cette proposition magnifique qui pose l’Amour en maitre de la diplomatie entre les peuples , les cultures, les Communautés humaines inter-religieuses, et d’une manière globale toutes les singularités humaines.
Là où le Cœur humidifié d’Amour parle de singularité, l’ego oppose la « différence » qu’il présente souvent comme insurmontable et irréconciliable. Alors l’intolérance s’installe avec l’incompréhension, les conflits, les tentations hégémoniques et finalement le rejet de l’Autre.
Sidi HAMZA (la paix soit sur Lui) nous avait dit un après midi: « ne laissez pas votre tête s’emparer de votre Cœur »
Oh ! Combien cela est clair et juste. Voyons bien ceci : Nous pensons bien plus la Vie que nous L’AIMONS !!!
Le plus déroutant reste que finalement nous sommes en réalité « pensés » par nos pensées.
Je vous propose un petit constat en guise d’illustration de ce qui précède :
Un oiseau chante. nous entendons l’oiseau chanter. La pensée de l’oiseau qui chante est portée par le chant de l’oiseau lui-même. La pensée est matière… Sans un support matériel la pensée ne peut ni se constituer, ni s’élaborer, ni se véhiculer jusqu’à son point de résonance, le mental.
Toutes les manifestations de la matière, toutes les observations sur la consistance, les mouvements et toutes les caractéristiques de la matière ont leur point de résonance dans notre mental. Alors notre outil mental réalise une sorte de tour de prestidigitation incroyable. Il transforme toutes ces matières, leurs mouvements, leurs consistances et toutes leurs caractéristiques en une autre matière: les pensées….
Les pensées sont donc le produit de la transformation de la matière par notre outil mental. Il s’agit donc du résultat d’une fonction biologique.
Il en va bien autrement avec l’amour ! L’Amour est la manifestation de ce qui constitue notre nature profonde, pas de nos fonctions !
Comme il a été dit il ne peut y avoir de connaissance sans Amour, mais l’Amour sans connaissance oui ! Au sens où l’Amour amène la connaissance, mène à la connaissance, élève à la connaissance !
Alors l’Amour peut il être le grand médiateur entre les hommes et leur ego ? Entre les hommes eux mêmes ? Entre les hommes et leur monde de matière, entre les hommes et Dieu ?
Si depuis des siècles nous disons, à qui veut l’entendre, que l’Amour est inconditionnel, ce n’est pas une simple formule définissant une caractéristique de ce que nous croyons être l’Amour, ni une figure de style littéraire. C’est plutôt que l’Amour pour un humain incarné dans le monde, cet « écrin » magnifique confié par Dieu, cet Amour n’est pas une option… Il n’est pas négociable. Il n’est pas une simple possibilité à vivre. IL EST LA CONDITION MÊME DE LA VIE car il est l’Origine de toute chose ! Toutes les souffrances de ce monde, tous ses dysfonctionnements, toutes les perversions, tous les conflits, finalement la plus grande maladie de ce monde, son plus grand péril, EST le manque d’Amour.
Le manque d’amour peut mettre un terme à notre survie sur cette terre, probablement plus sûrement encore que le réchauffement climatique ! Le manque d’amour c’est l’avènement du règne de l’égoïsme, de la cupidité, de l’individualisme et de la division. Est-il encore aujourd’hui nécessaire de tirer une conclusion sur le désastre auquel nous mène notre absence à la Miséricorde ?
Alors oui, il se dévoile que l’Amour est sans aucun doute la seule force « diplomatique » capable de nous guider vers une négociation salutaire avec les aspects infantiles et terriblement destructeurs de notre égoïsme, de notre individualisme, en un mot de notre incroyable INCONSCIENCE !
Aujourd’hui je ne me pose plus la question. Je pose clairement que je ne crois pas que quoique ce soi puisse être entrepris sans l’Amour.
Seule la puissance médiatrice de l’amour peut nous libérer de notre peur.
Même dans domaine des sciences l’Amour peut être un médiateur et un révélateur exceptionnel. Si nous pouvions voir le contenu spirituel de chaque découverte scientifique, nous ne douterions plus de la prééminence de l’Amour et de La Présence de Dieu en toute chose.
L’Amour est là, partout, finalement tellement visible ! L’air autour de nous est un conglomérat d’amour. Chaque atome de lumière est une pépite d’amour pur.
Je voudrai encore témoigner de ceci:
j’ai cherché durant pratiquement cinquante ans un Cœur ami, un Cœur connaissant, un Cœur bienveillant et miséricordieux qui puisse m’aider à ouvrir le mien à ce que je pressentais depuis toujours. J’ai cherché, presque désespérément un lieu et un lien de résonance qui me libérerait du mensonge, de la colère et de la peur. Une âme amie qui m’arracherai aux griffes du doute et de l’indignité et surtout qui m’aiderait à rallumer la flamme de l’amour dans mon Cœur… mais pas un Amour pour moi. Car j’avais déjà compris que c’était vain. Seul l’Amour pour l’autre importait. Seule la possibilité, juste une petite possibilité d’ouverture à la Miséricorde, m’apparaissait déjà comme un grand miracle…
Et le miracle a eu lieu. Un jour sans attente particulière Sidi Seyed HAMZA m’a invité à le visiter trois jours chez Lui.
Oui le miracle a eu lieu. La Voie de la Tariqua Kadyrie Boutchichia s’est grande ouverte. Alors un immense espoir est né dans le Cœur d’un Homme occidental qui a découvert qu’entre autre chose ISLAM veut aussi dire Amour inconditionnel et universel.
Et quelques années plus tard le Cœur de mon maitre a confié ceci au mien en parlant des Hommes:
« Je ne peux les voir que comme un Seul Corps de Lumière qui se débat dans la tempête de l’Amour qui n’en finit pas de s’accomplir… Si tu le veux de tout ton Cœur, avec l’aide de Dieu, toi aussi tu pourras le voir… »
Je n’ai donc nul besoin de m’interroger sur le fait que la Voie spirituelle Soufie puisse unir les peuples, les hommes de toutes obédiences et de toutes croyances. Pas plus que je n’en ai sur l’évidence de l’impact que cette Voie d’Amour puisse avoir dans la gestion des extrémismes, ainsi qu’une capacité réelle à inspirer de la générosité et la vision d’un monde de partage. La Voie spirituelle Soufie est une Voie d’éducation qui agit sur le comportement de chacun.
Comme me l’a toujours conseillé mon maitre je ne fais pas de politique… Et je n’en ai nul besoin. Je sais aujourd’hui que la force de l’amour et l’appel incessant à la Miséricorde influe considérablement sur le comportement de tous ceux qui y sont un tant soi peu attentif. Leur regard change, leur comportement est invité à s’interroger sur les conséquences de leurs actes.
Je n’ai pas besoin de faire de la politique pour éclairer les conséquences des choix de la politique.
Si nous voulons poursuivre et servir l’Oeuvre de notre maitre, n’oublions pas que la mémoire d’un fakir n’est pas « historique et temporelle ». Pour le fakir la véritable mémoire est le Rappel de Dieu, pour Dieu, par Dieu et en Dieu. Notre mémoire de disciple est celle de notre maître qui nous intime d’être les serviteurs de LA mémoire de l’Amour.
C’est cette Mémoire Divine qui est l’Histoire…
La politique est toujours à un moment ou à un autre une histoire de l’égo si elle n’est pas inspirée par la conscience spirituelle de l’homme.
N’en doutons pas: l’Amour est mutagène. Il a la capacité sans limite de transformer tout ce qu’il touche.
Il est le Grand Alchimiste.
Je ne vois pas comment il peut dans ce monde être mené une mission diplomatique d’envergure pour sortir des guerres, des inégalités, des injustices, de l’inconscience collective sans la culture de l’Amour.
Nous n’avons pas d’autre tâche que celle de répandre l’amour autour de nous, de devenir une « traînée » d’Amour qui ensemence de la Lumière sur son passage. Nous n’avons rien d’autre à faire que devenir une Gratitude et une Miséricorde Vivante pour ce monde et chacun de nos frères humains, comme nous le demande Sidi JAMAL !
Et pourtant ! Il suffit à un homme d’une seconde par jour pour citer Dieu. Alors Dieu n’est plus oublié. Juste une seconde par jour !
Un fakir qui prie dix heures dans sa journée comble donc le vide de trente six mille hommes qui ont oublié Dieu.
Quatre vingt fokaras qui prient ensemble dix heures dans une journée comblent le vide de deux millions huit cent quatre vingt mille hommes qui ont oublié Dieu…
Je vous laisse imaginer ce que peuvent faire mille fokaras !
Le soufisme peut transfigurer le monde.
Lors d’une petite conférence en France, un homme a demandé la parole. Il voulait juste me dire que j’étais un utopiste.
Je lui ai répondu ceci :
Probablement avez vous raison ! mais laissez moi vous faire part de la réflexion, qui, depuis maintenant un certain nombre d’années, guide mon cœur et mes pas. Dans le monde. Dans ce monde que vous voulais sans utopie, je suis triste, malheureux et déprimé. Tout y est gris et opaque.
Dans le monde que je nourris tous les jours de mes prières et que j’arrose sans cesse avec le Dikr, je suis gaie, plein d’énergie et je baigne dans la Lumière.
L’utopie a un avenir, comme tous les rêves des hommes qui naissent de l’Amour.
Chaque fakir est un ambassadeur de l’Amour.
La Tariqua, elle, est l’Ambassade de l’Amour.
Que Dieu nous aide à devenir chacun une Miséricorde pour l’humanité entière.
Sidi ILZAM.